LA MEMOIRE EN MARCHE
Libre, fidèle et indépendante. Jetée au vent de l'espérance, contre l'oubli et pour demain...

Anselm Kiefer, Chute d'étoiles.

Anselm Kiefer est né en 1945 en Allemagne.  Il n’est pas juif, et n’a pas connu le IIIème Reich. Et justement, sa génération s’interroge.  Sur la place des proches au coeur du second conflit mondial, divaguant entre le banal mais non sans conséquence accommodement avec l’idéologie nazie, jusqu’à la participation active à la solution finale. Qui faisait quoi ? Il fait partie de ces artistes qui objectivement questionne. Pour cela, à compter des années 70, il décide de défier la loi du silence et de l’oubli, en plaçant en pleine lumière un passé occulté délibérément par sa propre famille, et par son propre peuple. Une méthode: rendre visibles les manifestations du nazisme, au service d’une exigence farouche: la remémoration du passé allemand. 

Dans son oeuvre, la démesure est un code, comme elle le fut aux pires heures du nazisme. Amas de gravas, carcasses, reliques de destructions et d’anéantissements, témoins de souffrance et de mort, de maladie et de guerre. Béton, terre cuite, plomb, argile, branchages. Ruines allégoriques pour un monde passé et présent. Des phrases, des mots, des poèmes, des nombres, des matricules. Du verre brisé et des livres brûlés. La démesure comme mètre étalon de l’innommable. Comme celle de la propagande et des cérémonies de Nuremberg. Comme celle ancrée dans le rêve architectural de Hitler pour un Germania mort-né. Comme celle de l’extermination de millions de juifs, entreprise plannifiée à l’échelle industrielle. La réalité enfin d’un système totalitaire hors de toute proportion et surtout de toute humanité. 
Pour l'observateur, le séisme est incommensurable, tel un processus créateur qui ne s’apaise jamais, et qui le jette dans la tourmente. Hier devient aujourd’hui, des destructions massives aux épurations ethniques, des attentats de New York à tout ce qui s’arrîme quotidiennement dans la terreur de nos écrans TV, à Paris ou à Alep.

Face à la démesure, Anselm Kiefer ne nous abandonne pas. Il ne nous plonge pas dans la culpabilité du chaos, bien au contraire. Comment à son sens échapper "à la mémoire et à la déploration de l'histoire humaine "? En lui préférant "la contemplation et la célébration" de la nature. En se plongeant dans les énigmes de la beauté de la nature. Son propre chemin créateur se trouve d'ailleurs ici. Dans la contradiction, dans l'opposition de ces deux univers: le chaos fruit des erreurs de l'homme, et la beauté sidérante de l'histoire naturelle. Cette contradiction même, Kiefer l'appelle "sa guerre dans la tête". Pour nous faire partager ce choc, il nous emporte avec lui visiter les voutes célestes et les constellations vertigineuses au dessus de nos têtes. Et comme un écho, pour en démultiplier la beauté, il couple ce voyage à  l'exaltation de la poésie végétale, en saluant sa fertilité, et sa vitalité intrinsèque en l'absence de toute intervention humaine.
 


Article rédigée à partir de l'exposition MONUMENTA 2007 consacrée à "Sternenfall" d'Anselm Kiefer. Catalogue de l'exposition: "Anselm Kiefer - Sternenfall , Chute d'étoiles" par Philippe Dagen (chez Regard-CNAP, ISBN 978-2-84105-208-0)

Anselm Kiefer est né à Donaueschingen (Allemagne) en 1945, et vit actuellement à Barjac, en France (30).

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