Liberté (2010).
Maire en zone
occupée pendant la Seconde Guerre Mondiale, Théodore (Marc Lavoine) voit arriver dans son village une famille gitane accompagnée du P'tit Claude, un orphelin de neuf ans qu'elle a
recueilli. De son coté, Mademoiselle Lundi (Marie-Josée Croze), l'institutrice, apporte son aide à la résistance locale grâce à son emploi auprès du maire. Humaniste et républicaine
convaincue, elle va au devant des gitans installés en lisière du village. Si les grands comptent participer aux vendanges, elle les persuade de lui envoyer à l'école les
enfants. Parmi eux vit Taloche (James Thiérrée), grand enfant de trente ans avec qui P'tit Claude (Mathias Laliberté) se liera d'amitié. Mais les lois de Vichy posent de plus
en plus de contraintes vis à vis du mode de vie nomade de cette famille. Victimes des interdits de circulation, et du délit de "sale gueule", les gitans sont d'abord internés dans un
camp. Emus par leur sort Théodore et Mademoiselle Lundi se battent pour leur libération, pour leur dignité, au risque de passer eux mêmes pour des gens dangereux pour l'Etat français de Pétain.
Mais la machine administrative est en route, appuyée par les forces de l'ordre française. Au bout du chemin, l'internement ou la déportation.
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Un proverbe tsigane indique: "chacun a droit à sa place dans l'ombre". Mais nous avons envie d'ajouter, " dans une certaine limite cependant ", et que dans le cas des bohémiens
de France, le film " Liberté " replace trés justement ces enfants, ces femmes et ses hommes, victimes d'une persécution orchestrée par les autorités nationales au coeur
de notre mémoire collective. La valeur de ce film est ici, dans la réappropriation d'un passé si longtemps mis de côté, à travers le destin croisé d'une famille gitane stigmatisée dans sa
différence, et celui d'une résistante victime elle aussi puisque finalement arrétée, torturée et déportée. Tony Gatlif s'est inspiré de l'histoire vraie d'une résistante, Mme
Yvette Lundy, déportée à Ravensbruck, et de celle d'un gitan français aidé dans un village par un notaire. Il saisit alors l'occasion pour apporter un témoignage sur cette période trouble de
notre histoire nationale, malgré les difficultés rencontrées puisque comme il le dit, " le problème est qu'il n'existe pas grand chose sur ce sujet. Pas de film, trés peu de livre. Juste des
chapitres ici ou là dans des ouvrages consacrés à l'histoire des Tsiganes. Il n'est même pas mentionné dans les livres scolaires ! ".
Pour prolonger ce travail de mémoire:
- " Les Tsiganes en France. Un sort à part 1939-1946 ". Par Emmanuel Fihlol et Marie Christine Hubert. Aux Editions Perrin (2009)
- www.memoires-tsiganes1939-1936.fr : source d'informations destinées au public, en particulier aux enseignants et aux scolaires.
Quelques repères:
- Aprés la communauté juive, les Tsiganes furent la deuxième population européenne victime d'une extermination raciale.
- Le chiffre total des victimes dans la population tsigane est estimée à prés de 300 000 personnes, toutes méthodes d'élimination confondues (gazages, massacres...).
- Si Himmler est le responsable des opérations génocidaires et des déportations, aboutissant à la disparition de 6 millions de juifs, c'est son bras droit, Arthur Nebe qui organisa le génocide tsigane.
- On estime que les familles tsiganes d'Allemagne, d'Autriche, de Bohême Moravie, des Pays Bas, du Luxembourg et de Belgique furent exterminées en totalité.
- En France, entre 6000 et 6500 personnes furent enfermées dans 30 camps d'internement pour nomades (5 étaient situés en zone libre). Les plus importants se trouvaient à Montreuil-Bellay, Jargeau et Poitiers. Les Tsiganes de France ne furent pas concernés par le décret ordonnant la déportation des Tsiganes vers Auschwitz (16 décembre 1942), en dehors des 145 personnes arrétées dans le Nord et le Pas de Calais. Ils furent cependant déportés dans le cadre de faits de résistance, dans le cadre de rafles ou pour participer de force à l'effort de guerre au profit de l'Allemagne nazie.
- Les tsiganes internés en France ne furent libérés qu'en 1946, leur destin ne faisant l'objet d'aucune reconnaissance ni d'aucun dédommagement. Leur histoire, et donc leurs souffrances, ont été délibéremment placées au banc de l'histoire de la nation française.
(Sources: fiche pédagogique conçue par l'agence APC, avec le concours de Christophe Calzado, marie Christine Hubert et Henriette Asséo)