Rescapé de l'enfer nazi
Ce court récit édité dans la période post concentrationnaire immédiate n’est pas très commun dans sa structuration ni dans la dimension « orale » qu’il veut s’attribuer. L’explication est simple. Son rédacteur se nomme Georges Briquet, et comme l’indique l’avant propos du livre, Georges Briquet est avant tout « une voix familière, relevée d’une pointe d’accent limousin, moqueuse parfois ou vibrante d’un bel enthousiasme… Une voix de chez nous, et à coup sur, l’une des plus populaires ». Car au début des années 1940, Georges Briquet est l’une des grandes voix du Tour de France.
C’est donc à travers un « radio reportage écrit » inhabituel que le lecteur revient sur le parcours de douleur du matricule 74311, du camp de Compiègne, cette « grande cour en pente balayée par un vent violent qui glace les os en plein mois de juin » au camp de Dachau où les SS l’accueillent, lui et ses camarades, à coup de schlague et en leur rappelant qu’ici « il n’y avait pas de pierre sans sa tâche de sang » !
Ce retour en enfer se révèle aussi bref que brutal, teinté d’ironie souvent, d’humour quelquefois, mais surtout d’une grande compassion pour ses semblables. Le lecteur quant à lui n’est nullement épargné par la violence, sans cesse remis par l’auteur dans les rails de l’horreur par des apostrophes régulières et autres questionnements : « Tout cela n’est pas possible direz-vous ? » et bien si et « je m’excuse mesdames, cela est vrai et il faut le dire ! ». Jusqu’à nous guider dans notre tragique initiation : « Aussi partons ensemble maintenant pour le rassemblement matinal du travail qui constitue le plus étonnant, le plus dépravant spectacle que j’ai jamais vu… ». Ceci jusqu’à l’instant de la liberté retrouvée et du retour, où Georges Briquet prévient ceux qui vont accueillir les déportés rescapés : « Ne vous étonnez pas, vous qui nous accueillez comme vous le pouvez, si notre joie n’éclate pas, si notre regard se perd parfois au loin, attiré irrésistiblement par des visions atroces. Nous sommes marqués et nous, nous n’oublierons jamais. Non, je n’oublierai jamais… »
Georges Briquet a été arrêté le 10 juin 1944. Il a quitté le camp de Compiègne le 18 juin 1944 à destination de Dachau. Il y reçut le matricule 74311, et fut affecté au kommando Allach. Il retrouva la liberté le 30 avril 1945.
Rescapé de l’enfer nazi par Georges Briquet – Illustrations de Derambure – Editions La France au combat.