Mémoires d'un survivant
« … Ils t’ont donné un nom de femme, « DORA »
Tu aurais du dérider les fronts fatigués
Ils t’ont donné un nom de femme, « DORA »
Pour nous tromper une fois encore.
Tu étais DORA, une femme de pierre,
Des milliers et des milliers sont morts dans tes bras,
Des milliers t’ont maudit,
Ton souffle était gelé,
Ton sourire de glace
Et ton baiser de poison… ».
Stanislav RADIMECKY (déporté tchécoslovaque)
Robert Golfier, victime d’une dénonciation, est arrêté à son domicile par la Gestapo. Accusé de détenir des tracts interdits, il est emprisonné le 4 mai 1943 dans la prison Charles III de Nancy. Le 12 mai il rejoint le Fronstalag 122, le camp de Royalieu à Compiègne (60). Il y reçoit le matricule 14981. Enfin le 18 septembre 1943, il embarque dans un convoi à 100 par wagon à destination du camp de Buchenwald. Il y devient le matricule 21662. Durant deux semaines, il est affecté au petit camp (block 63). A l’issue de cette quarantaine faisant office de mise en condition, il est transféré dans le grand camp (block 14).
C’est assurément la description des conditions de (sur)vie dans le camp de DORA, « un nom qui n’était jamais prononcé par les SS et qui engendrait la terreur parmi les détenus de Buchenwald », qui constitue le cœur et l’intérêt de ce témoignage sans fioriture. Robert Golfier arrive à DORA le 13 octobre 1943. Ironie de l’histoire, il a insisté et réussi à se faire inscrire sur ce transport par peur d’être séparé de ses camarades.
L’inimaginable, l’indicible était également à DORA. Dans ce tunnel qui aliénait l’humanité à une nuit morale sans borne.
« Je suis mort dans ces horribles galeries. Puis je suis revenu à la vie. J’ai été longtemps à BUCHENWALD mais à DORA ce fut le pire. Avec les cris, les gémissements, les morts, nous étions dans l’enfer. Si on peut parler d’un enfer, personnellement, je n’ai plus peur de lui, car j’y suis descendu ». Témoignage d’un déporté allemand cité dans le livre.
Mais cet ouvrage nous donne aussi à découvrir une intimité du retour rarement présente dans de telles publications. Robert Golfier nous expose « son immense détresse et solitude alliées à un sentiment de panique » face à la liberté retrouvée. Il nous soumet sa peur de l’avenir, l’omniprésence des cauchemars, le défaut de partage de la souffrance sans savoir si c’était lui qui ne pouvait en parler ou les autres qui ne voulaient rien entendre. Lancé littéralement dans un « examen de conscience », il imagine ses carences (dans son rôle de conjoint par exemple), et évoque ses fuites, confinant à une sorte d’isolement voire d’enfermement psychique. L’homme ici prend le pas sur le témoin, rendant à sa narration l’humanité que les Nazis s’étaient fixés de détruire en lui. Tel un chemin interminable vers la lumière…
Robert Golfier (en bas à gauche) lors d'une séance de dédicaces (Orthez, 2006 - © J. Sarsiat)
MEMOIRES d’un SURVIVANT – Robert GOLFIER – Edité par le Comité du Mémorial d’Orthez – 2004