LA MEMOIRE EN MARCHE
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Je reviens de l'enfer

couv Je reviens de l'enfer de Léon Leloir

Le 18 avril 1945, à sa descente d’avion sur l’aérodrome du Bourget, le Père Léon Leloir est interviewé par Sherri Mangan du Time List Fortune qui le questionne sur son opinion sur Buchenwald. A la surprise de tous il indique : « Si c’est une grâce d’être sauvé de Buchenwald, c’est une plus grande d’y être venu, à ce point qu’il valait la peine d’obtenir la grâce de l’entrée même sans celle de la sortie ».

Le Père Léon Leloir est né en Belgique le 29 décembre 1907. Docteur en théologie, professeur, écrivain et même chroniqueur radio, c’est à travers ses compétences d’homme de lettres qu’il donna la pleine mesure de ses qualités humanistes. Accompagnant la population belge en 1940 dans sa fuite devant les troupes d’invasion allemandes, il séjourna momentanément à Marseille, puis dans les Hautes Pyrénées. Contacté par son autorité de tutelle, il reprit la direction de son pays natal dans lequel malgré la situation de guerre, il développera ses engagements littéraires. Il ne s’en tiendra pas là, et rejoindra la résistance belge en acceptant un rôle d’aumônier auprès du maquis des Ardennes. Arrêté le 4 juillet 1944, il fut emprisonné, condamné à mort puis déporté dans le camp de concentration de Buchenwald.

 

«  Nul ne saura jamais comme il me fut ardu

De rester attentif à tes accents, ô Muse,

Muse de Buchenwald, Muse que rien n’amuse,

Muse à qui ce tribut te rend ce qui t’est dû. »

 

 L’ouvrage «  Je reviens de l’enfer » est un témoignage post concentrationnaire immédiat, puisque publié dès 1945, incluant des textes rédigés en 1944 alors que l’auteur était emprisonné. Son contenu est présenté de manière originale et unique à notre connaissance puisque la forme retenue par l’auteur est une compilation de « poèmes en style oral ». Pas un chapitre de l’expérience concentrationnaire de l’auteur n’est rapporté sous une autre forme qu’un poème.  Que ce soit l’évocation de l’engagement résistant : «  … Car demain vous verrez des jeunes gens en masse / Se lever, généreux, pour reprendre ma place / Si je me trouve ici sous double cadenas / Sans lumière, au secret, en étroite cellule, où l’air est rationné à dose minuscule / C’est pour avoir placé dans vos traces mes pas… ». Ou celle du transport vers Buchenwald : « … Jusqu’à cent par wagon, dans la paille et la crasse / Brusquement arrachés à nos mornes prisons / Nous roulons dans la nuit vers d’autres horizons… ». Celle de la misère humaine : « … La cravache au hasard frappe et cingle nos dos / Pour souligner cruellement l’affreux dilemme / Travailler ou mourir, Travailler et mourir ! …» puis plus tard celle du désespoir : « … Peut-être à m’écouter, le dégout te soulève / Sache qu’à Buchenwald, on ne meurt pas, on crève… ».

 

Pour finalement croire au retour à la vie et à la force du témoignage :

 

«  Les chars sont là. La vie est belle. Adieu ma Muse,

Muse de Buchenwald, Muse que rien n’amuse !

Humble profès, je rends doublement grâce à Dieu

Qui daigna m’enfermer et sortir de ce lieu.

Je reviens de l’Enfer pour rendre un témoignage

Qui se répètera jusqu’à la fin des âges ».

 

Je reviens de l’enfer par Léon LELOIR – Editions du rendez-vous – Paris, 1945

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