LA MEMOIRE EN MARCHE
Libre, fidèle et indépendante. Jetée au vent de l'espérance, contre l'oubli et pour demain...

Face à l'inimaginable

Couverture face à l'inimaginable

Réfractaire au Service du Travail Obligatoire (STO), Jacques Chupin décide à la fin du mois de février 1943 de quitter le territoire français en passant par l'Espagne. Il se met en route par le train mais est arrêté en gare de Bayonne par la Gestapo avec tous les autres jeunes en situation irrégulière ou suspecte. Interrogé dans les caves de l’hôtel Edouard VII à Biarritz, il est ensuite transféré à la prison de Biarritz, à la caserne Bourdet à Bordeaux (mi-mars), puis interné dans le camp de Compiègne (21 avril 1943). Le 8 mai il quittera la France en wagon à bestiaux pour être déporté dans le camp de Sachsenhausen. Il y devient le matricule 66681.

Par soucis de compréhension, l’auteur alterne dans son ouvrage entre son parcours personnel, évoqué lieu après lieu, drame après drame, et des données générales éclairantes sur l’organisation du système concentrationnaire, recentrées au fur et à mesure des pages sur le camp de Sachsenhausen et ses kommandos. Nous suivons alors  la trajectoire d’un homme qui pourrait être celle de milliers d’autres, à travers un exercice de mémoire au final minutieux et riche de nombreuses anecdotes.

Nous signalons deux points du plus grand intérêt dans ce témoignage écrit. Tout d’abord, Jacques Chupin nous fait découvrir la vie et l’activité du kommando Speer, kommando extérieur du camp de Sachsenhausen que les déportés rejoignaient à pied. Il porte le nom d’Albert SPEER, haut dignitaire de la hiérarchie nazie, surnommé le grand architecte d’Hitler. Lorsque Jacques Chupin arrive à Speer, le site est devenu une vaste usine de récupération (de métaux etc…) et d’armement. Elle deviendra dans les derniers mois de la guerre la cible de bombardements alliés dévastateurs. Les détails sont nombreux, et les descriptions précises.

Le second point concerne la description de la marche d’évacuation du camp alors que les forces alliées foncent sur Berlin. Cette évacuation générale démarra le 21 avril 1945. En effet, Jacques Chupin put au jour le jour rédiger une sorte de carnet de route tout au long de sa « marche de la mort », utilisant un cahier récupéré au milieu de détritus, et ceci malgré le danger que cela pouvait représenter.  Il nous propose ainsi de suivre au plus près les pas des morts vivants qu’ils étaient devenus, pendant 12 jours consécutifs.  

    extraits carnet route de la mort jacques Chupin

A la date du samedi 21 avril, date de l’évacuation du camp de Sachsenhausen, Jacques Chupin indique : «  … Vers 3 heures, appel. Départ pour les Français et les Belges,  quelques russes vers 7 H 30. 500 français, quelques russes et polonais, et 500 femmes en majorité russes. Nous marchons une partie de la nuit et rentrons le lendemain dans une ferme après 19 kilomètres de marche ». Le cahier précise pour l’ultime journée du jeudi 3  mai : « Les SS et postes se sont sauvés dans la nuit et vers 10 h arrivent les reconnaissances russes. Nous leur adressons une ovation. Départ dans l’après-midi pour rejoindre un centre russe de rapatriement. Les russes nous font rentrer dans les maisons et prendre ce qu’il nous faut. Je déchausse un SS et lui prend ses chaussures. Campement en forêt. A six camarades, nous allons coucher dans une ferme abandonnée avec de la nourriture à foison ». Entre ces deux dates, nous découvrons toute la précarité de leur condition, menacée par les persécutions, qui se poursuivaient malgré tout, et tributaire de circonstances sanitaires désastreuses. Il s’agit là d’un cas extrêmement rare et précieux de  témoignage écrit ramené de ces marches meurtrières.

la chapelle de la libération

  Une promesse tenue. Quelques mois aprés leur retour de déportation, J. Chupin et R. Rochard construisent une chapelle en l'honneur de Notre Dame de la Libération.

Face à l'inimaginable - Jacques CHUPIN - Imprimé pour l'AFMD 49 (novembre 2002)

Le témoignage de Jacques CHUPIN est en partie inclus dans l'ouvrage collectif "SACHSO" publié par l'Amicale du camp d'Oranienburg-Sachsenhausen (voir rubrique Littérature et déportation

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