LE REQUIEM DE TEREZIN
Le requiem de Terezin s’inspire de l’histoire vraie de Rafael Schächter (1905 – 1944 ou 1945), musicien né en Roumanie et d’origine juive, pilier de la vie artistique et culturelle dans le ghetto de Terezin (Theresienstadt) qui dirigea plusieurs représentations du Requiem de G. Verdi à l’intérieur du camp.
Josef Bor, auteur du livre, fut lui même interné à Terezin en juin 1942. Il nous fait découvrir dans son roman le parcours chaotique de Schächter, prisonnier des nazis, qui parvint à mettre sur pied un orchestre et un chœur capable d’assumer l’œuvre monumentale en latin de G. Verdi (1874). De l’entrée clandestine des maigres instruments aux répétitions douloureuses pour des artistes dont les chaises se vidaient au fur et à mesure des transports.
« Après de longues réflexions, il avait préféré le Requiem de verdi à toute autre œuvre. Cette musique italienne, composée sur un texte latin, inspirée par des prières catholiques, serait interprétée par des chanteurs juifs, des musiciens de toutes nationalités, venant de Bohême, d’Autriche, d’Allemagne, de Hollande et du Danemark, certains même de Pologne et de Hongrie ; l’exécution de ce requiem dans un ghetto serait dirigée par un chef d’orchestre athée : l’idée lui sembla magnifique ».
Tout autant que les conditions dans lesquelles le défi fut relevé, au cœur même d’un camp devenu l’antichambre des chambres à gaz d’Auschwitz, c’est la résonnance entre les paroles du livret du Requiem et la condition des femmes et des hommes en sursis engagés dans ce projet qui nous emporte. Une telle résonnance que chaque instrumentiste, chaque choriste, chaque soliste et Rafael Schächter lui même auraient pu imaginer Verdi le catholique vouloir écrire la messe des morts d’un Holocauste qui surviendrai soixante dix ans plus tard. Une résonance portée par la capacité de Verdi à travers ses partitions et de Josef Bor dans les pages de son roman, au delà des divisions de tous ordres, y compris religieuses, à reconnaitre la souffrance humaine universelle et à lui apporter un réconfort aussi modeste soit-il.
« Ne pense plus à tes parents, à ton frère, à ton amoureux maintenant, mais à tous les autres, à tous ceux qui comme eux ont été torturés, battus, massacrés et qui forment aujourd’hui cette grande foule anonyme à laquelle je songe aussi. Personne ne peut plus les connaître ni les reconnaître individuellement, ils sont si nombreux que nous ne devons plus penser qu’au véritable visage de leurs assassins. Ce sont ces assassins que tu auras devant toi ce soir, c’est devant eux que nous devons tous chanter avec toi, surtout ne montre aucune faiblesse, aucune frayeur, nous t’aiderons ».
Pour Rafael Schächter et ses choristes, il n’y eut pas plus d’avenir que pour Janusz Korczak et ses orphelins. Le gaz leur fut promis. L’exercice de mémoire proposé par ce livre permet au lecteur non seulement de conserver vivant le souvenir des victimes mais également de prendre conscience des forces de l’esprit dont ils firent preuve au sein d’un système concentrationnaire nazi bâti pour les détruire. Le Requiem de Terezin de Josef Bor, un roman à lire et à écouter...
« Voici que s’ouvre, maintenant écrit, le livre où tout est contenu, d’où viendra le jugement du monde. Tout ce qui est caché viendra au jour, rien ne restera impuni... »
Le requiem de Terezin – Josef Bor – Aux Éditions du Sonneur (2019), ISBN 978-2-37385-094-9