Primo Levi (1919-1987)
L’enfance du petit Primo se déroule sans anicroche dans la région turinoise, entouré d’une famille attentionnée et peu portée sur la religion. Même s’il se sent mal dans sa peau et fragile physiquement, Primo est un enfant actif et attiré par le sport. Il suit par ailleurs une scolarité de très bon niveau, ce qui n’est pas sans inconvénient, car être le plus petit, le plus en avance et juif de surcroit n’est pas fait pour passer inaperçu ! Sa judéité est cependant un fait, et elle balisera son chemin dans la vie, des premières brimades enfantines jusqu’à sa déportation en Pologne.
L’Italie des années 1930 ne rejette pas foncièrement la communauté juive plutôt bien intégrée. Pourtant à sa tête se trouve un gouvernement fasciste qui promulgue des lois antisémites. A compter de 1938, la mise au banc s’accélère et un processus inéluctable de réduction des droits des Juifs s’engage. Primo Levi en est victime, et doctorat de chimie en main (1941), il se décide à rejoindre Milan où une firme suisse l’embauche, refusant d’appliquer les directives antisémites en vigueur. Mais l’étau se resserre et en 1943, la famille Levi se réfugie dans la région du Val d’Aoste. Primo se rapproche alors avec un certain nombre d’amis de l’organisation antifasciste Giustizia e Liberta, mais se fait piéger dans une rafle de la Milice italienne le 13 décembre 1943.
Interné dans le camp de transit de Fossoli jusqu’au 22 février 1944, il est ensuite déporté vers Auschwitz dans un transport de 650 Juifs italiens. Il y reçoit le matricule 174 517. De part sa formation de chimiste, il quitte rapidement Auschwitz I pour l’usine de fabrication du caoutchouc appartenant au groupe IG Farben située dans le périmètre du camp de Monowitz (Auschwitz III). C’est cette expérience concentrationnaire qui constituera la trame d’un livre-témoignage mondialement connu aujourd’hui, publié en 1947 sous le titre italien Se questo è un uomo (Si c’est un homme dans sa version française).
La démarche de Primo Levi est littéralement avant-gardiste. Son manuscrit tout d’abord est l’un des premiers qu’il fut possible de lire sur le camp d’Auschwitz. Et si l’auteur comme il l’indique échafaude dans l’écriture les conditions de sa propre survie au drame, il y traduit simultanément un double désespoir. Le premier est le risque de l’oubli. Cela l’inquiète dès sa première tentative de publication qui ne parvient jamais à trouver son public. Le second désespoir est alimenté par quelques tentatives de relativisation de la tragédie auxquelles assiste Primo Levi, une relativisation qui finirait si l’on n’y prenait pas garde par faire le lit du négationnisme. Ce fut en 1958, à l’occasion d’une exposition turinoise consacrée à la Déportation dans les camps nazis, que le témoignage de Primo Levi retrouva la lumière. Cette occasion fut la bonne. La publication du livre fut reprise en main par la maison d’édition Einaudi. Si c’est un homme devint alors une référence au cœur de la production littéraire post concentrationnaire, offrant à son auteur une notoriété planétaire.