LA MEMOIRE EN MARCHE
Libre, fidèle et indépendante. Jetée au vent de l'espérance, contre l'oubli et pour demain...

Edith Stein

« Quand je dis qu’Edith Stein est une sainte, je ne l’entends pas au sens où elle nous édifierait. Je laisse volontiers cela aux livres pieux de mon enfance. Je n’ai pas non plus perçu en elle le moindre désir d’endoctrinement, ni le moindre reflet de moralisme, mais chaque fois que je la regarde, je me sens attiré vers le haut et comme grandi. Autrement dit, je suis fier de l’existence qu’elle a vécue et du sillon qu’elle a tracé. Elle a d’une certaine façon, ennobli l’humanité dont elle est comme une fleur. Une fleur d’Israël. […] »    Bernard Molter, prêtre.

Edith nait le 12 octobre 1891 à Breslau (Allemagne). A peine âgée de 7 ans, Elle force l’admiration de son entourage par une très précoce maîtrise de soi. Sa mère est son inspiratrice, exemple de droiture et de fidélité à des valeurs simples, comme l’attachement aux proches et l’attention portée à ses semblables. Mais ceci n’empêche nullement Edith de se détourner du judaïsme. Ce désintéressement est progressif, supplanté par une volonté farouche d’accéder à la connaissance. Et au regret de sa mère, elle annonce à 13 ans son intention d’abandonner toute pratique religieuse. Cette soif de savoir, cette quête perpétuelle de la vérité la dirige vers le sujet qui la révèlera à elle-même et au monde, la philosophie. « Nous sommes ici bas pour servir l’humanité, affirme-t-elle. Le mieux est de faire ce pourquoi on est le plus apte ».

Son parcours estudiantin à Göttingen l’amène à rencontrer deux personnalités majeures. Tout d’abord Edmund Husserl, philosophe fondateur de la phénoménologie transcendantale, et également Max Scheler, enseignant en philosophie et en sociologie qui l’engage à porter son intérêt sur les valeurs du catholicisme.

Mais voici que démarre le premier conflit mondial du siècle. Edith, décidée à ne pas rester inactive, rejoint un hôpital autrichien dans lequel lui sont attribuées des missions habituellement confiées à des infirmières. Cette terrible expérience auprès de jeunes hommes brisés par la guerre constituera le cadre fondamental d’une thèse soutenue à Fribourg-en-Brisgau sous le titre « Sur le problème de l’empathie ». C’est encore pendant le conflit qu’elle rencontre Anna Reinach, l’épouse du philosophe allemand récemment tombé dans les batailles en Flandres. Convertie depuis peu au protestantisme, Anna réconcilie Edith avec l’idée d’une force divine maîtresse de son destin. Cette rencontre est un déclic. Elle croyait rencontrer une amie, elle rencontre la foi ! En 1921, elle demande le baptême. Il aura lieu le 1er janvier 1922 dans l’église de Bergzabern, près de Wissembourg.

Durant une dizaine d’années, Edith Stein allie ses activités d’enseignement et son travail d’écriture, ceci jusqu’à ce que les lois antijuives promulguées par les nazis lui interdisent de s’exprimer en public. Le 14 octobre 1933, elle rentre au Carmel de Cologne. Le 14 avril 1934, s’y déroule la cérémonie de sa prise d’habit, date à partir de laquelle elle devient Sœur Thérèse Bénédicte de la Croix. Un an plus tard, elle prononce ses vœux temporaires, en attendant les vœux définitifs. Pendant ces années au Carmel de Cologne, elle poursuit son œuvre et rédige « De la vie d’une famille juive ». Faisant face aux tortures infligées à son peuple, elle désire simplement y évoquer « ce qu’elle a vécu en tant que juive, face à une jeunesse éduquée depuis l’âge le plus tendre à haïr les Juifs ».

Les évènements ne lui laissent aucun autre choix que la fuite vers l’étranger. Elle parvient à se réfugier aux Pays-Bas le 1er janvier 1938 et rejoint le monastère de Echt. Dès lors, dans une vision prémonitoire, elle rédige son testament spirituel : « Déjà maintenant, j’accepte avec joie en totale soumission et selon sa très sainte volonté, la mort que Dieu m’a destinée ». Lucide quant à l’avenir qui se dessine aux portes de l’Europe, elle fait comprendre à ceux qui l’entourent que ses jours sont dorénavant comptés. Et lorsque le 2 août 1942, la Gestapo tape à la porte du monastère de Echt en exigeant que la communauté des Carmélites livre Edith Stein, celle-ci ne manifeste aucune peur. A l’instant du départ, Edith murmurera à sa sœur, elle aussi arrêtée en ces lieux, une phrase témoignant de la force de sa foi : « Viens, nous partons vers notre peuple ».

Elles sont d’abord enfermées dans le camp de transit de Westerbork où les Juifs convertis sont regroupés comme les deux carmélites avant leur déportation. Puis le 7 août 1942, Edith et Rosa prennent la direction d’Auschwitz dans un convoi transportant 987 Juifs. Sœur Thérèse Bénédicte de la Croix s’y fait rapidement repérée, elle qui arbore simultanément soutane et étoile jaune. Et c’est vraisemblablement le 9 août qu’entourée des membres de son peuple, elle s’évanouit dans les gaz mortels.

Le 1er mai 1987, le Pape Jean Paul II célébra la béatification de Sœur Thérèse Bénédicte de la Croix à Cologne en priant le monde de « s’incliner profondément devant le témoignage de vie et de mort livré par Edith Stein, cette remarquable fille d’Israël qui fut en même temps fille du Carmel et Sœur Thérèse Bénédicte de la Croix, une personnalité qui réunit pathétiquement, au cours de sa vie si riche, les drames de notre siècle ». Elle incarnait à son sens, « la synthèse d’une histoire affligée de blessures profondes et encore douloureuses, pour la guérison desquelles s’engagent aujourd’hui encore, des hommes et des femmes conscients de leurs responsabilités […]».

Illustration / Peinture de M. Celeste (New York).

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