Noël à Schönefeld, du réseau Gallia à la déportation
Il m’arrive encore, comme ce soir où je viens d’écrire ces dernières pages, d’être très triste. Mais il me suffit de penser à toi et de me dire « Colette n’aimerait pas cela » et je repars. Pour combien de temps ? Nul ne le sait. Le sursis a déjà été long. Si un jour lorsque je ne serai plus là, tu es triste, tu penseras à ton tour « Maman n’aimerait pas cela », et toi aussi tu repartiras…
Le 20 décembre 1982, Hélène Fauriat achève ce manuscrit rédigé à l’intention de sa fille Colette, « un rayon de soleil apparu en mai 42 au milieu de la grisaille ».Celle-ci l’édite en 2013 pour lui donner valeur de témoignage en direction des jeunes générations.
L’ouvrage démarre par une utile et très détaillée introduction sur la mise en place du réseau Gallia, en particulier dans le département des Deux-Sèvres. C’est en septembre 1943 qu’Hélène Fauriat alias Elisabeth et Marcel son époux alias Manet s’engagent en résistance dans ce réseau, sous les ordres de Jean Schlochow (Max). Leurs missions reposent sur la rédaction de multiples rapports et la transmission d’indispensables comptes rendus relatifs aux mouvements des troupes ennemies, et à l’état des lieux de points stratégiques comme les zones portuaires, avant et après les bombardements alliés. Emportés par la chute de leur réseau, Hélène est arrêtée le 1er juin 1944 en tentant de rendre visite à son époux lui-même arrêté la veille. D’abord internée à la caserne Du Guesclin de Niort, elle est transférée ensuite à Poitiers (prison de La Pierre Levée), puis à la prison de Romainville. Après une ultime halte à Sarrebruck et le camp de Neue Bremm, elle arrive par transport ferroviaire le 7 juillet 1944 dans le camp de concentration de Ravensbrück. La première journée est pour elles synonyme de désespoir. Fouillées nues, douchées, rasées, humiliées, le choc est terrible.
Le 21 juillet un transport emporte Hélène Fauriat et quelques 200 autres prisonnières à l’usine-camp Messerchmitt située à Schönefeld, dans la banlieue de Berlin. Elle participe à la fabrication d’ailes d’avions. Mais avec l’avancée des combats et l’arrêt de l’activité de l’usine, elle est envoyée par un nouveau transport le 13 mars 1945 dans le camp d’Oranienburg-Sachsenhausen. Elle survit à son séjour malgré la maladie, la promiscuité, la maltraitance, et en cette fin de conflit les bombardements. Le 21 avril 1945, alors que démarrent les marches de la mort, le Dr Coudert, médecin français du Revier lui conseille de ne pas bouger. Elle connaît la libération 48h plus tard avec l’arrivée des troupes soviétiques dans le camp déserté par les SS.
Débute alors un périlleux parcours sur le chemin de la liberté tant espérée, un chemin parsemé de drames et d’embuches multiples, échappant même à un viol par des soldats russes stoppé in extremis. Hélène Fauriat regagne finalement la France le 2 juin 1945. Le 5, elle retrouve Marcel, rescapé lui aussi des camps (Dachau) et surtout Colette, « sa joie et sa fierté, tellement changée, et si jolie avec ses longs cheveux » qui plongeant dans les yeux de sa maman lui demande : « Pourquoi tu pleures ? ». Il y avait tellement de raisons de pleurer…
Noël à Schönefeld, du réseau Gallia à la déportation – Hélène Fauriat – Editions Le Manuscrit (2013)
Marcel, Hélène et Colette.